SET – Comment diminuer la pollution liée aux diesels

Suite à la soirée organisée le 31 mai 2016 par « Sucy Environnement et Transition ».

Veuillez trouver ci-dessous les éléments les plus importants expliqués lors de cette soirée. Nous avons créé, suite à cette conférence un Atelier mobilité « propre »  sur la qualité de l’air et comment l’améliorer par des actions locales. Contactez nous !

Le diesel et la santé publique

bridge-665928_640Le nombre de véhicules en circulation n’a cessé de croître en France. Il a presque doublé en 30 ans, passant de 20,99 millions en 1980 à 38,41 millions actuellement (estimation au 1er janvier 2015 du Comité des constructeurs français d’automobiles).

Parallèlement, le moteur diesel, jadis réservé aux professionnels de la route (il équipe aujourd’hui la quasi-totalité des véhicules utilitaires), s’est considérablement démocratisé au fil des ans.  Equipant un véhicule particulier sur cent en 1970, un sur dix en 1985 et  un sur quatre en 1995, il n’a cessé de se développer au point d’équiper, aujourd’hui, près de trois véhicules sur quatre, ce qui en fait une spécificité française.

A t-on vraiment prévu cette forte croissance du diesel en France et en a t-on mesuré les conséquences ?

Au lendemain du phénomène de l’amiante, de nombreuses études scientifiques ont démontré que les émissions de ce type de moteur sont calamiteuses sur le plan sanitaire. L’exposition à celles-ci provoquerait des cancers (poumon, vessie), des maladies cardio-vasculaires et respiratoires et même des atteintes sur le cerveau et le foie.

Le moteur diesel serait responsable, en France, de plusieurs dizaines de milliers de décès par an, en touchant les personnes les plus fragiles. De surcroit, les conséquences économiques et environnementales sont considérables.

Après avoir caractérisé le phénomène du tout diesel et ses multiples conséquences (I), il convient de s’interroger sur les mesures à mettre en oeuvre pour protéger la population (II).

I.  Le phénomène du tout diesel et ses multiples conséquences

A – Causes du développement :

1 – politiques commerciales et fiscales avantageuses :

Tout a commencé dans les années 1960. Afin d’écouler un stock de plusieurs centaines de millions de litres de gazole, rendus inutiles par la fermeture des centrales électriques (en faveur du nucléaire), les pouvoirs publics ont  détaxé cette source d’énergie pour la rendre plus attractive.

Le véhicule diesel et son combustible ont, ainsi, bénéficié ces dernières décennies d’une politique fiscale très favorable. Exonération de la Taxe sur les Véhicules de Société (modifiée en octobre 2011, elle inclut désormais les véhicules hybrides), récupération de T.V.A par les entreprises, T.I.C.P.E (ex T.I.P.P) moins taxée de 30% que le carburant essence. Pourtant son coût de revient est plus élevé que ce dernier. Sans compter  l’éligibilité du véhicule diesel à la pastille verte en 1997 et au bonus écologique en 2008, ne prenant en compte que les valeurs de dioxyde de carbone (CO2, gaz non nocif).

Mercedes-Benz_Diesel-SchriftzugCe tarif allégé, associé à une consommation moindre et à des hausses successives du prix des carburants, a modifié le comportement d’achat des consommateurs, qui progressivement se sont tournés vers cette motorisation même pour des kilométrages réduits (Selon l’INSEE, la moitié des salariés travaillent à moins de 8 km de chez eux et en 2014 le kilométrage moyen en France était de 12753 km).

Le maintien de ces avantages a largement été défendu par les sociétés de transport de marchandises et de personnes.

2 – évolution de ses caractéristiques mécaniques :

Disposant d’un meilleur « couple » qu’un moteur essence, le moteur diesel tourne plus lentement et  nécessite moins d’énergie pour fournir un effort équivalent. Il s’avère, ainsi, particulièrement adapté à une utilisation professionnelle comportant de lourdes charges sur de longs trajets extra-urbains.

Les constructeurs automobiles se sont adaptés à cette nouvelle demande, qu’ils ont même devancée en proposant des « diesel » toujours plus performants.  La mise au point de nouvelles technologies, telles que l’injection directe et la rampe commune des injecteurs à haute pression dits « common rail » associées à un turbocompresseur, en est une illustration. Ceci a conduit à gommer peu à peu les principaux défauts du moteur diesel, à savoir les vibrations et un niveau sonore élevés.

Le moteur diesel est, ainsi, devenu attrayant au fil du temps, tout en conservant une certaine réputation de robustesse, et s’est peu à peu détourné de sa vocation première en envahissant le champ du paysage urbain.

Pourtant, de par des taux de compression très élevés, il subit des contraintes de fonctionnement particulières et n’apprécie guère les petits trajets. Sur des parcours à froid comprenant de nombreux démarrages et des régimes moteur élevés, il se dérègle plus rapidement et émet davantage de gaz chargés de particules de suie.

B – Conséquences

1 – Sanitaires :

Partant du principe que « brûler pollue », tout moteur à combustion essence ou diesel pollue. Concernant le diesel, inutile de se munir d’appareils de mesure pour constater que les rejets de ce moteur sont de toute autre nature que ceux d’un moteur à essence.

De par ses contraintes de fonctionnement, le diesel, même le plus moderne, laisse trace de son passage. Ses émissions se voient et se sentent avec une odeur de combustion et de gaz imbrûlés âcre et acide, parfois accompagnée d’une traînée de fumée brunâtre. Il produit, en effet, 25 à 150 fois plus de résidus de combustion qu’un moteur à essence classique.

Automobile_exhaust_gasLes fumées noires qu’émettent les véhicules diesel sont donc chargées en résidus de combustion, communément appelés « particules fines », c’est-à-dire d’un diamètre inférieur à 2,5 microns. Ces particules suscitent des inquiétudes pour la santé, car elles demeurent très toxiques, et leur taille, de plus en plus microscopique, facilite grandement leur inhalation.

L’autre gros point faible du diesel est le rejet massif d’oxydes d’azote (NOX).  Ce gaz peut irriter les poumons et diminuer la résistance aux infections respiratoires.  Une forte concentration provoque alors des réactions inflammatoires des muqueuses (gorge et yeux) et affecte les poumons, surtout chez les enfants et les personnes asthmatiques.

Des études, notamment de l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé), de l’Institut National de Veille Sanitaire (INVS), de l’AFSSET (désormais ANSES) intitulé « impact des technologies sur les émissions NO2 de véhicules diesel, et santé » ont été publiées. Toutes pointent les risques encourus par une exposition prolongée et les liens avec les cancers, les maladies cardio-vasculaires, pulmonaires, respiratoires et les morts prématurées à court, moyen et plus long terme. D’autres études ont démontré des modifications et atteintes sur le cerveau (mini-AVC, troubles cognitifs, perte de QI et stress cérébral) et le foie (affectant la fonction de détoxification).

Selon Airparif, à Paris, environ 40 000 écoliers, malades et retraités respirent trop de particules fines et de dioxyde d’azote et plus de 3 millions de franciliens sont potentiellement exposés à un air de qualité non satisfaisante chaque année.

2 – Environnementales :

De par une consommation de carburant plus mesurée, le rejet de dioxyde de carbone (CO2), est moindre sur le moteur diesel par rapport à un moteur à essence d’une puissance équivalente (hors hybride). Principal gaz à effet de serre et unique indicateur de pollution communiqué par les constructeurs, il permet au diesel de se fonder une réputation écologique, relayée par des magazines de presse automobile qui le plébiscitent et en classent certains parmi les plus «propres».

Pourtant, les NOX et NO2 (dioxyde d’azote), dont le diesel est fortement émetteur, contribuerait directement à la formation de l’ozone et serait un puissant gaz à effet de serre.

Quant aux particules fines, elles participent aux pics de pollution qui selon l’organisme AIRPARIF sont de plus en plus fréquents.

Par ailleurs, une récente étude a démontré que ces mêmes particules constituaient également un gaz à effet de serre.

En effet, selon cette même étude menée par Tami Bond (université de l’Illinois) ainsi qu’une vingtaine de scientifiques internationaux, l’impact des suies est deux fois plus fort que le Groupe d’Experts Intergouvernemental sur l’Evolution du Climat  (GIEC) ne l’avait estimé (Le Monde du 17 janvier 2013). Ainsi, les particules du diesel (ainsi que des feux de bois) constituent le deuxième facteur du réchauffement derrière le dioxyde de carbone et devant le méthane (CH4).

De même, l’importation massive du gasoil a un impact notable en matière de production de CO2. Cette donnée devrait également être intégrée dans le calcul du bonus dit « écologique ».

En outre, une étude a démontré que les émissions de diesel avaient un impact particulièrement négatif sur les abeilles.

3 – Economiques :

gasoline-175122_960_720Si à l’achat à la pompe ce carburant est en apparence moins cher pour le consommateur, il s’avère en en réalité très couteux pour l’Etat français, le contribuable et donc pour ce même consommateur, si l’on ajoute au litre :

  • Le coût sur le budget de la santé (notamment la Sécurité Sociale) avec les décès prématurés et les maladies dont il est responsable.
  • Le manque à gagner sur les taxes moins ou non perçues (T.I.C.P.E, T.V.A) et le coût du bonus écologique (dans un rapport de mai 2012 la Cour des comptes souligne le mauvais bilan économique et environnemental de celui-ci).
  • Le déséquilibre de la balance commerciale dans la mesure où l’on doit l’importer pour répondre à la demande et exporter l’essence non consommée (fermeture de raffineries en France, entraînant des pertes d’emplois et donc du chômage).
  • Le bilan carbone défavorable lié à cette importation.
  • L’amende que l’Europe pourrait infliger à la France pour le non-respect des seuils de pollution aux particules fines.
  • La dégradation des bâtiments noircis, le coût de la rénovation, du nettoyage et l’impact en matière de tourisme.

Le rapport du Sénat de juillet 2015 estime le coût de la pollution de l’air à 101,3 milliards d’euros par an.

Si l’on inclut l’ensemble de ces paramètres, le prix de vente au litre à la pompe est totalement  faussé et bien supérieur à celui affiché actuellement.

En outre, à l’usage un véhicule diesel nécessite un entretien plus coûteux avec un taux de pannes supérieur à un moteur essence (fragilité du moteur (sensibilité à l’eau) et filtres à particules bouchés et hors service lors d’un usage urbain) sans compter le surcoût à l’achat.

II.  Mesures à mettre en oeuvre pour diminuer cette proportion mortelle et protéger la population

A – comparaison internationale :

Depuis de nombreuses années, parfois au nom du simple principe de précaution, des mesures d’interdiction et/ou de restriction ont été mis en place dans plusieurs pays ou continents tels que le Japon et l’Amérique.

Au Japon, la population s’est même mobilisée pour son interdiction et les victimes de la pollution ont obtenu des constructeurs automobiles producteurs de diesel et de l’Etat des  indemnisations (« Le Monde » daté du 17 août 2007 ).

D’autres pays ont une politique fiscale plus dissuasive à l’égard du diesel, rendant leur proportion bien moindre.

B – En France :

1 – Etat des lieux :

Aucune mesure restrictive n’est mise en place et le principe de précaution n’est pas appliqué. Aucune information n’est diffusée.

La seule mesure existante est la réduction de la vitesse des véhicules en cas de pic de pollution dans les grandes agglomérations.

Pourtant, les effets particulièrement nocifs de la concentration de diesel sur la santé humaine sont démontrés et reconnus.

En comparaison, l’industrie agroalimentaire est soumise à des normes très sévères pour garantir le caractère comestible des aliments. Un aliment soupçonné d’être impropre à la consommation, ou pouvant dégrader la santé serait immédiatement retiré du marché.   

Pour le diesel, rien n’est fait. Ses gaz touchent pourtant l’ensemble de la population, à différents degrés selon le lieu, du nourrisson à la personne âgée, en passant par la femme enceinte et la personne à déficience respiratoire.

Contrairement aux aliments, il n’est pas possible de choisir l’air que l’on respire. Or, un être humain en ingère 10 à 15 000 litres par jour,  et ce qui est inhalé peut passer dans le sang.

2 – Solutions : quelques pistes.

Des solutions doivent et peuvent être envisagées pour protéger la population :

a – concernant le diesel en particulier :

  • Limiter voire interdire l’accès à des zones aux véhicules diesel (ceintures sanitaires).
  • Cesser d’urgence les avantages fiscaux sur ce carburant (alignement sur l’essence).
  • Informer les citoyens et les consommateurs sur les dangers des gaz émis par la motorisation diesel au nom du principe de précaution (rôle de l’Etat et des constructeurs), sur le réel coût (au km par exemple) et l’impact de son achat et de son utilisation (coût du diesel sur la société à intégrer).
  • Indications notamment sur comment s’en protéger (avis aux personnes vulnérables, zones à classer, parcours à éviter…).
  • Lors des épisodes d’alerte à la pollution : mentionner le type d’émission à l’origine (nombreux épisodes dus aux particules fines et au dioxyde d’azote).
  • Cesser la tromperie qui consiste à faire passer le diesel pour propre (dixit les publicités qui plébiscitent le diesel et font croire que le filtre à particules est la solution). Selon des études, celui-ci augmenterait les émissions de NO2-NOX et laisserait passer les particules les plus fines (PM 10 et 2,5), donc les plus dangereuses pour l’appareil respiratoire, en particulier lorsqu’une température élevée du moteur n’est pas atteinte.
  • Mettre en place un dispositif à l’échappement filtre et/ou capteur de NO2 et de PM adaptable aux modèles existants.
  • Renforcer les diagnostics antipollution (contrôle technique avec diagnostic « 5 gaz » prévu en 2019).
  • Instaurer une nouvelle norme visant à modifier l’orientation des pots d’échappement des véhicules  lourds fonctionnant au diesel (autobus, camions…) vers le haut et non plus en direction des usagers (notamment des piétons, des enfants en bas âges dans les poussettes et des cyclistes).
  • Convertir les autobus à d’autres types d’énergies (électrique, gaz naturel par exemple. Le plan RATP 2025 va dans ce sens).

b/ concernant la mobilité en général (ce qui conduirait aussi à diminuer la proportion de diesel) :

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  • Repenser nos modes de déplacements (les adapter à nos réels besoins et prendre conscience de leur impact sur l’air que nous respirons).
  • Changer de façon de consommer l’automobile : passer de la propriété à l’usage (auto-partage, co-voiturage).
  • Réhabiliter le GPL et développer les moteurs fonctionnant au gaz naturel (multiplier les points de distribution).
  • Démocratiser l’hybride essence (dont hybride rechargeable) et l’électrique.
  • Plus d’innovation des constructeurs automobiles (Véhicule 2 en 1, vente d’un pack « Automobile – Vélo à Assistance Electrique »,  utilitaires propres dits des derniers kilomètres).
  • Encourager l’usage de véhicules propres, comme le vélo à assistance électrique en ville (notamment par un bonus écologique et des infrastructures adaptées).
  • Inciter à l’auto-partage et au co-voiturage. Par exemple par la gratuité des péages ou tarifs préférentiels, couloirs de circulation pour ce type d’usage.
  • Relocaliser les activités (télétravail, introduire la notion de proximité).
  • Développer les plans de déplacements entreprises intégrant le vélo.

Pour conclure, outre l’aspect sanitaire désastreux et le bilan carbone défavorable en raison de son importation, le bilan économique de ce carburant justifierait à lui-seul l’abolition de son allègement fiscal. Par ailleurs, respirer un air sain est un droit inscrit dans la Constitution.

Pourtant, les lobbys sont puissants et la désinformation majeure. Pour ne pas abolir la niche fiscale, la baisse du pouvoir d’achat et les conséquences sur l’emploi sont les arguments mis en avant.

Convertir peu à peu les consommateurs particuliers et entreprises à d’autres types d’énergies que le diesel ne pénaliserait pourtant pas la filière automobile. Ces mêmes constructeurs se sont adaptés rapidement à l’essor de la demande sur le diesel. Ceux-ci doivent innover en proposant une autre alternative. Les constructeurs qui ont orienté leur stratégie sur l’innovation écologique, tel que Toyota avec l’hybride, sortent aujourd’hui leur épingle du jeu.

L’affaire Volkswagen et l’autorisation par la commission européenne du dépassement des seuils limites d’oxydes d’azote (NOX) à hauteur de 110% (plus du double) pour les constructeurs automobiles jusqu’en 2021 marquent un pas supplémentaire vers une réelle prise de conscience et une rupture de confiance des citoyens à l’égard de l’industrie automobile et du diesel.

La part des ventes de véhicules diesel neufs en France poursuit sa baisse avec 52,23% entre janvier et avril 2016. En 2008 cette proportion atteignait 77,3%.

Guillaume Muller (SET)- Juin 2016

A propos Jean-Paul Grange

Membre actif de "Sucy Environnement Transition" localement et du mouvement des Villes en Transition, cofondé par Rob Hopkins, aux niveau départemental, régional, national et international . Je suis ingénieur et j'ai été conseiller municipal sur Sucy en Brie de 2014 à 2020.

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